Devrait-on paraphraser Sartre souhaitant ne pas « désespérer Billancourt » et les ouvriers de Renault à propos du Michelin 2021 ? Ce dernier a été visiblement animé par la volonté de ne pas laisser la désolation s’enraciner dans les froids fourneaux ? Las ! rarement le guide Michelin aura fait aussi peu parler de lui malgré un lancement en direct de la Tour Eiffel sur YouTube.
Et pourtant, comme s’il fallait conjurer le spectre covidien, le Guide Rouge a fait feu de tout bois : 57 nouveaux étoilés et 45 rétrogradés. Avec 638 restaurants, ils sont dix étoilés de plus qu’en 2020.
Diantre ! Comment ont-ils fait les – 80 ?- inspecteurs pour tester ces centaines restaurants qui n’ont été ouverts que six mois. Ont-ils abusé de trous normands pour stimuler l’appétit en déjeunant et en dînant deux fois chaque jour. Gwendal Poullennec, le directeur international du Michelin assure que des collègues étrangers sont venus leur prêter main forte … Soit.

Le choix d’Alexandre Mazzia, comme seul trois étoiles du millésime 2021 clive assurément. Avec ce petit établissement marseillais baptisé AM, on est loin du décorum des grands restaurants. L’endroit est dépouillé comme un menhir. Quant à ce chef, rare toqué convié à la Tour Eiffel pour fêter ses macarons, il a comme une allure de moine soldat en Terre Sainte déployant comme armes des assiettes tranchantes aux accords inédits.
A Paris, force est de constater que Michelin prend acte de la nouvelle donne. Celle d’une grande cuisine en pleine remise en question du fait de l’absence de clients étrangers. Exemple frappant avec le Grand Véfour qui perd ses deux étoiles. Guy Martin avait d’ailleurs rendu public ce changement de cap et notamment une chute des prix significative quelques jours avant la sortie du guide.

Le second macaron attribué à Hélène Darroze pour son Marsan (Paris VIème) au regard de la perte d’une des deux étoiles de chacun des Ateliers de Joël Robuchon (dans le VIIème et le VIIIème) a fait beaucoup parler. Pour certains, c’est le signe de la poursuite d’une stratégie centrée sur la recherche du buzz et de l’éclat médiatique initiée par Gwendal Poullennec. On casse les anciennes gloires de la cuisine française – l’année dernière c’était Bocuse et Dutournier – pour mettre en avant des visages davantage éclairés par les petites lucarnes. On pourra toutefois noter la perte du macaron du bistrot de luxe La Poule au Pot de Jean-François Piège (Ier)… Autre rétrogradation celle du Châteaubriand (XIème) d’Inaki Aizpitarte et qui a dû secouer les amateurs de bistronomie.
En Province, si la Région PACA rafle 12 nouvelles étoiles, le Bas-Rhin- cartonne avec 4 nouveaux étoilés plus une deuxième étoile (La Merise, à Laubach) témoigne d’une Alsace offensive sur le plan gastronomique. Michelin n’y est pour rien mais son guide est à l’image du développement inégal du territoire français avec des départements en déshérence dans l’obscurité et d’autres plus scintillants. Mais ouf … Alors que la maison mère du Guide rouge, à savoir le géant du pneu Michelin, vient d’annoncer 2300 suppressions d’emplois qui devraient aussi toucher le berceau clermontois, il y a quand même un nouvel étoilé dans le Puy-de-Dôme (Auberge du Château à Pont-du-Château). Il ne faut pas désespérer Clermont …
Nouvelles étoiles parisiennes
Deux étoiles
Marsan (VIème) d’Hélène Darroze
Une étoile
Mosuke (XIVème) de Mory Sacko
Shabour (IIème) d’Assaf Grani
Pantagruel (IIème
) de Jason Gouzy
Trente-Trois (VIIIème) de Sébastien Sanjou
Oxte (VIIIème) d’Enrique Casarrubias.