Confrérie des Taste Fromage : l’heure du retour du Jedi ? 

Pour le coup ce fut une belle cérémonie que ce 872^eme chapitre de la Confrérie du Taste Fromage organisé à Roquefort le 18 juin par deux producteurs indépendants du village : Vernières et Vieux Berger. Des Chevaliers du Taste Fromage reçus par le « Roi des Fromages » … c’était dans la logique des choses.

Tel un banquet royal capétien, un long buffet alignait des richesses fromagères françaises. Et dans leurs longues capes chamarrées, le défilé des dignitaires de la confrérie, Grand-Maître, Chambellan et officiers venus adouber les nouveaux chevaliers avait fière allure. Las ! l’éclat du rituel a eu du mal à masquer la gravité du moment. Celui d’un patrimoine fromager français – fait de fromages au lait cru et fermiers-  en danger. 

Cette fois-ci – et c’est peut-être le plus grave – ce n’est ni Bruxelles ni Lactalis qu’il faut pourfendre. Plutôt un mal français, une ressource laitière en évaporation liée au reflux massif de l’élevage en France. Et plus particulièrement de l’élevage laitier. La Cour des Comptes qui préconise la réduction du troupeau français aura pu apprécier qu’en 5 ans, la production française de lait a déjà baissé de 4% … A ce rythme là, dans 20 ans, la diversité fromagère française (1200 fromages) si chère au Général de Gaule ne sera peut-être plus qu’un lointain souvenir. De fait, la transmission des exploitations devient de plus en plus compliquée. Ne parlons pas des contraintes sanitaires qui renforcent le manque d’attrait des jeunes pour les métiers de l’élevage. Un colloque sur le sujet « normes vétérinaires » organisé par l’INAO, l’INRA et la CNAOL (Conseil National des Appellations d’Origine Laitières) devrait se tenir  en novembre à Aurillac.

Depuis la guerre de l’Ukraine, la répercussion de la hausse des coûts de production a renchéri le prix des fromages et fait souvent chuter les ventes. Equation difficile : si le rattrapage des prix sauve les revenus des éleveurs, les hausses des tarifs détournent les consommateurs. Comme pour le camembert au lait cru dont la chute des ventes frôlerait les + 25%. D’autres en revanche maintiennent leur position comme le Saint-Nectaire fermier. 

Parmi les appellations les plus impactées, Thierry Cartereau, fromager à Tours et chevalier de la Confrérie qui citait le Saint-Maur de Touraine avec un nombre de producteurs fermiers passé de 52 à 31 en 25 ans.  Les nouveaux chevaliers du Taste Fromage (fromagers, affineurs grossistes ou détaillants) vont donc devoir tirer leurs épées. Car si un jour les fromages au lait cru et fermiers viennent à manquer, ce n’est pas le Babybel ou la Vache qui Rit qui fera vivre fromageries et crémeries. L’heure du Retour du Jedi fromager a donc sonné.

Aristaeus pour un concours national des fromages au lait cru et fermiers

Fils d’Apollon et de la nymphe Cyrène, Aristée est un dieu grec associé à l’activité pastorale et à l’agriculture. C’est aussi le nom de l’association créée par Thierry Cartereau, Chevalier du Taste Fromage depuis 22 ans, qui souhaite organiser en 2024 un « Championnat de France des Fromages au lait cru et fermiers ». Objectif ? faire prendre conscience au public de ces chefs d’œuvre en péril que constituent les fromages au lait cru et fermiers. www.aristaeus.fr