Coup dur pour Poilâne après la fermeture de sa Manufacture de Bièvres pour risque sanitaire

La Manufacture Poilâne de Bièvres (Essonne) qui fournit trois des cinq boulangeries Poilâne de la capitale ainsi qu’Auchan et Monoprix a été fermée par décision préfectorale après un contrôle de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) du 28 mai comme l’a révélé le Parisien du 4 juin. L’inspection a mis en évidence des « non-conformités graves » : déjections de rongeurs, rongeurs morts, saleté générale des équipements et des locaux, conditions de stockage dégradées, denrées alimentaires partiellement grignotées.

Certains confrères de Poilâne nous ont confié regretter que de telles informations aient parues dans la presse du fait du préjudice qu’elles peuvent causer ajoutant que l’invasion des rongeurs en Ile-de-France des locaux abritant des produits alimentaires n’avait jamais été aussi massive. Rien qu’à Paris des centaines d’établissements seraient concernés. Mais visiblement à la Manufacture Poilâne, le risque sanitaire était élevé avec des risques de zoonoses et une fermeture s’imposait selon les critères de la DDPP. Poilâne a expliqué avoir lancé une opération de nettoyage en profondeur et fait intervenir une société spécialisée. Les travaux devraient durer plusieurs jours empêchant l’entreprise de répondre à la demande de certains clients.

Cette manufacture avait été conçue par Lionel Poilâne comme une sorte de temple du pain artisanal notamment avec ses fours alimentés au bois. Et c’est un rude coup pour un pain symbolique d’un âge d’or des bistrots à vins parisiens que Lionel Poilâne soutenait ardemment persuadé qu’ils étaient les meilleurs vecteurs d’images pour ses miches. Ainsi avait-il participé à la création de l’association Tradition du Vin avec la remise de Bouteille d’Or.

Depuis une quinzaine d’années, bien des bistrots ont renoncé à Poilâne, la facturation d’un transport pour les petites commandes et surtout la difficulté à « écouler » une miche de 2 kg en ces périodes de fréquentation irrégulière avaient compliqué les choses. Sans parler d’une concurrence exacerbée dans le secteur du pain parisien qui a vu de nombreux dépôts de bilan.

Car l’affaire tombe d’autant plus mal que l’entreprise dirigée par Apollonia Poilâne qui l’a reprise en 2002 à la suite du décès tragique de son père dans un accident d’hélicoptère est en santé financière fragile depuis le Covid. De 12 millions d’euros en 2019, le chiffre d’affaires est tombé à 10,53 millions d’euros en 2024. Les pertes ont dépassé les 2 millions d’euros par an au moins pour ces 3 dernières années. La procédure de sauvegarde mise en place fin 2022 a permis un étalement des dettes. Ajoutez à cela une « guéguerre » judiciaire plus longue que la Guerre de Troie liée au départ à l’usage du patronyme avec Max Poilâne l’autre frère de Lionel lui aussi boulanger.

Toute la question est de savoir si Poilâne parviendra à faire oublier ces problèmes d’hygiène et à remonter la pente tout en gardant son indépendance. Car les prétendants au rachat ne manquent pas. A commencer, dit-on, par le groupe Holder des boulangeries Paul.