Par un beau soir d’hiver 1578, « un vrai tonnerre de Brest avec des cris de putois », à cheval sur le saint-émilionnais, « alluma ses feux d’artifice ». Le ciel déversa des trombes d’eau. Ralliée au panache blanc d’un Henri de Navarre pas encore roi de France, une escorte de chevaliers vint tambouriner à l’huis de l’Hostellerie du Bousquet.
Le maître de céans ouvrit sa porte. Il abrita leurs destriers, puis leur offrit gîte et couvert. Réservant à leur chef qu’ils dénommaient « Nouste Enric », la meilleure des chambres…Et la compagnie de sa douce moitié laquelle, hospitalière jusqu’au… bout du bout, l’accueillit à bras et bras ouverts. « Et puis l’amour a fait le reste » chantera des siècles plus tard le cher Brassens…En récompense d’une hospitalité aussi généreuse, les propriétaires furent anoblis. Signe seigneurial de leur ascension dans l’échelle sociale, deux tourelles à toit conique et à girouette furent érigées sur les flancs de la demeure. Classée « Maison Noble », elle devint « Le Castelot ».

Fervent amoureux d’art et d’histoire, Jean-François Janoueix ne pouvait qu’être séduit par cet ensemble narratif. Il acquit donc Le Castelot en 1978. Se promettant de lui adjoindre tous les attraits d’un œnotourisme moderne que méritait son histoire. Travail industrieux et fouineur, long et méthodique, qui devait aboutir à la création d’un musée Henri IV , d’un conservatoire de l’outil rural et, surtout, s’accompagner d’une production de vins de qualité. Reconnaissance affirmée d’un espace viticole de haut lignage.
Le Castelot, situé sur le côté Saint-Sulpice de Faleyrens, est protégé des vents par la colline de Saint-Emilion, au bas de laquelle se trouve le Château Quintus, grand cru classé. Seule, la route qui va de Libourne à Bergerac, sépare les deux propriétés. Les vignes de Castelot (9 ha) reposent sur un sous-sol de graves véhiculées par les eaux de la Dordogne. Des eaux venues du Massif Central qui ont déposé, comme à Pomerol, ces traces ferrugineuses génératrices d’élégances distinguées. Cabernet-franc et merlot les captent avec bonheur. Soucieux de biodiversité et de préservation des espaces ruraux, Jean-François Janoueix s’engagea – vision verte nécessitant un certain courage en Bordelais – sur la voie de l’agriculture biologique. Le Castelot obtint le label bio Ecocert en 2015. Haut Castelot 2018, élaboré à partir des vendanges de jeunes vignes (merlot-70% et cabernet-franc-30%) est donc ce qu’il convient de nommer « un second vin ». Qui pourrait en remontrer- dégustations et récompenses multiples l’attestent- à bien des « premiers ». Récoltée manuellement en petites cagettes, la vendange a fourni des jus pulpeux. Paré de rubis saturé aux reflets indigo, ce vin s’ouvre sur une olfaction plaisante et complexe qui diffuse des fragrances saisissantes( cerise , myrtille) à peine marquées par un discret élevage en barriques de deux vins . En bouche, une texture déliée renforce les saveurs fruitées. Elégante, la finale les retient longuement sur les papilles. Une entrecôte aux cèpes serait la bienvenue.
Prix départ cave : 17,20 € – www.josephjanoueix.com
Ets Janoueix : 05 57 51 41 86