Tome des Bauges : la petite tome AOP au grand goût

C’est une petite tome artisanale au lait cru très savoureuse. Sa croûte grise et blanche au relief tourmenté évoque le territoire dont elle est originaire à cheval sur les deux Savoie et bordé par les villes d’Aix-les-Bains, Annecy et Chambéry. Cette tome (avec un M) incarne le Massif des Bauges avec ses traditions, son environnement préservé notamment grâce aux pratiques d’élevages séculaires. Seule tome AOP, elle anime le territoire et permet ainsi à une partie de la population de vivre sur place.

Par bien des aspects, la Tome des Bauges a des points communs avec le Laguiole AOP. Comme sur l’Aubrac, les éleveurs des Bauges furent considérés durant les Trente glorieuses comme des « arriérés » rétifs au progrès de l’agriculture avec leur vaches tarines aux petits rendements et leurs fromages moulés à la main à la maison.

Trois générations plus tard, le regard a bien changé. On sait gré à ses 57 producteurs de lait d’avoir gardé leurs vaches et leurs façons de les faire paître sur les estives et aux fromagers d’avoir transmis leurs tours de main. 

Par ailleurs, la Tome des Bauges teint aussi du Comté pour son système de coopératives, les Fruitières. Elles sont cinq sur le territoire de production et permettent de réaliser jusqu’à 60% de la vente sur place, notamment aux touristes. Elle permettent aussi de lutter contre la désertification rurale en servant d’épiceries et de dépôts de pains pendant la morte-saison. Mais un point la distingue du Comté – ici la production n’a pas doublé en trente ans. Au contraire.

La tome des Bauges demeure une petite production ( 900 T/an). Et ses producteurs n’ont de cesse de durcir le cahier des charges.  Le lait doit être produit à moins de 15 km du lieu de fabrication, lait cru, alimentation à l’herbe et au foin et aux compléments strictement définis, et ensilage interdit.  » Nous sommes des puristes de la Tome des Bauges « , proclame fièrement Fabien Petit-Roulet, président du Syndicat interprofessionnel de la tome des Bauges. Façon de dire qu’il n’est pas prêt à baisser la garde. Et de rappeler qu’ici les règles de l’AOP interdisent à un géant industriel du fromage de devenir majoritaire dans le syndicat.  

La Tome des Bauges est un fromage de passionnés qui implique d’accepter de s’y consacrer 7 jours/7 dès 5h du matin. A commencer par la traite deux fois par jour qui peut représenter 3 h de travail pour 70 vaches. Voilà pourquoi comme ailleurs, ici on a parfois du mal à motiver les jeunes à la reprise. Ouf ! aucune ferme n’est encore à l’abandon car ce fromage bien valorisé attire des candidats venus de l’extérieur à la reprise. Mais l’un des points de préoccupation du syndicat demeure la mise en place d’un système de remplacement permettant aux producteurs de prendre quelques jours de congé quand ils ont envie de souffler.

La Tome des Bauges en chiffres

AOP depuis 2007
– 18–20 cm de diamètre pour un poids de 1,1 à 1,4 kg
– Production annuelle : 900 t
– 3 races : Tarine (tarentaise), Montbéliarde, Abondance.
– 5 coopératives
– 47 producteurs laitiers
– 10 producteurs fermiers

Ici aussi -comme dans la plupart des secteurs agricoles- la préoccupation majeure est bien celle de l’eau.  «Le réchauffement climatique est ce qui nous impacte le plus » témoigne Anaïs Jouan, éleveuse de 70 vaches à Glapigny. Ce n’est pas qu’il y ait moins de précipitations dans l’année, explique-t-elle mais les épisodes pluvieux sont concentrés sur le printemps durant lesquels les vaches abiment les sols détrempés. Ces pluies peuvent être suivies de canicules en juillet et août qui les durcissent. Ce qui oblige à recourir au fourrage d’hiver comme en 2022 . Il va bien falloir s’y préparer. Et si on faisait déguster la Tome des Bauges aux climato-sceptiques en attendant pour les faire changer d’avis ?

Fabrication : La main de l’homme 

La fabrication de la tome des Bauges est totalement artisanale. Elle est réalisée dans l’une des 5 fruitières. Le lait versé dans une cuve de cuivre chauffée est emprésuré. 40 mn plus tard, le fromager pose des grilles qui découpent le caillé à la taille de grains de maïs. 

Au bout de quelques minutes, le caillé est ensuite versé par gravitation pour être mis en moules. Le petit lait est évacué par dessous. Démoulées et tassées, les tomes sont salées soit à la main soit par immersion dans un bain de saumure. « Mouillée », la tome pèse encore 1,8 kg. Avec le sel, elle va perdre entre 500 et 600 grammes.

Elle est ensuite déposée sur une planche d’épicéa pour un affinage de 35 jours minimum. Trois fois par jour pendant les trois premières semaines, les tomes sont retournées à la main. Peu à peu, le mucor appelé aussi « poil de chat, l’équivalent de la fleur du saucisson recouvre la tome. En le frottant, le fromager va disperser la moisissure sur les tomes plus récentes. L’une des missions du fromager est de veiller à ce que l’humidité des fromages soit homogène.