Patrice Chassard : « Faire preuve de résilience et se remettre en question.» 

Interview de Patrice Chassard, président du Comité national des AOP laitières, agroalimentaires et forestières à l’INAO 

Au-delà des AOP, on a l’impression que le lait français est en péril ? 

Si on ne produit plus, on importera … Depuis 40 ans, on nous dit qu’il faut des aliments pas chers, qu’on va produire plus et que les éleveurs vont mieux gagner leur vie. Or les gens ne gagnent rien et se retrouvent avec des toutes petites retraites. Longtemps, le modèle de transmission familiale des fermes a fonctionné même si les gens ne gagnaient pas grand chose. Ça ne marche plus aujourd’hui quand on entend qu’un exploitant sur quatre gagne moins de 500€/mois. Cela n’incite pas à reprendre une exploitation. Les jeunes reviendront quand ils auront des perpectives d’avenir. 

La sécheresse est venue aggraver cette situation ? 

Sur les huit dernières années, à part deux années correctes, les autres ont été mauvaises. Il va falloir faire preuve de résilience.

C’est-à-dire ? 

Faire preuve d’adaptation  autant pour les filières que pour chaque exploitation. Par exemple, qui dit qu’on ne donnera pas les fourrages en période chaude et qu’on fera pâturer plus tôt au printemps et plus tard à l’automne. Qui dit qu’on ne replantera pas plus de haies sur les prairies pour limiter l’impact des vents asséchants et assurer à l’herbe une croissance normale ?   

C’est à nous de nous adapter au territoire et pas le contraire. La seule règle à retenir c’est que rien ne doit être homogène mais qu’il faut, au contraire, jouer la diversité.

Les industriels de la filière présents dans les AOP en ont-ils conscience ? 

On prend les choses à l’envers en cherchant à « artificialiser » les processus. Ce qui n’est ni bon sur le plan environnemental, en énergie ou en carbone. Si on veut garder des animaux avec un niveau de production élevé sans avoir les moyens de produire sur place, cela implique d’acheter. Donc du transport. 

Doit-on installer la climatisation dans les bâtiments pour les animaux comme on le fait pour les humains ? Vaut-il mieux un animal qui s’adapte à la température et que l’on met à l’ombre, plutôt qu’un animal qui produit davantage grâce à la « clim » et les coûts énergétiques que cela engendre. Pour moi, il n’y a pas débat. Il faut s’enlever les idées reçues de la tête et se remettre en question. 

Plus spécifiquement quel a été l’impact de la sécheresse sur les AOP laitières et fromagères ? 

L’INAO a pris des dérogations au cahier des charges des fromages savoyards, de la plupart de ceux du Massif central mais aussi à l’ouest de la France par exemple pour le beurre AOP Charentes-Poitou  car ce sont dans ces régions que la baisse de pluviométrie a eu le plus d’impact. Mais d’ici deux mois ça pourrait changer si d’autres AOP ne peuvent passer l’hiver avec le fourrage. Les dérogations seront autorisées jusqu’au printemps. 

En 2021 avec 23,8 milliards de litres, la collecte avait atteint son niveau le plus bas depuis 2013.
En 2020, la lait conventionnel représentait environ 83 % du volume, les appellations d’origine 11,5 % et le bio 5,5 %.

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