Si Montmartre et La Bonne Franquette nous étaient contés…par Gérard Letailleur

Après son « Histoire insolite des cafés parisiens« , Gérard Letailleur a jeté son dévolu sur Montmartre et l’une de ses affaires emblématiques, La Bonne Franquette. Située rue Saint-Rustique – la plus haute de Paris- elle incarne aujourd’hui encore l’esprit de cette colline inspirée qu’est Montmartre. 

On croit connaître Montmartre jusqu’à la lecture de cet ouvrage qui vous fait prendre conscience de la profondeur du gouffre de l’ignorance où vous vous morfondez. 

Drôle de destin que ce Mont des Martyrs pour reprendre l’étymologie, devenu pour le monde entier un lieu symbole de liberté et de création artistique autant que du bonheur de vivre à la française comme l’atteste la devise de la Bonne Franquette.

Par les temps qui courent de culpabilisation à outrance, cette tranche d’histoire de France prise aussi par le biais de l’art de la convivialité et de la table remet de la joie au menu. L’auteur n’a pas besoin de forcer l’effet de cheville pour nourrir son sujet rappelant par exemple qu’Henri IV,  roi de la Poule au Pot, assiégeant Paris en 1590, s’était établi à Montmartre et montrait un intérêt certain pour ses nonnes. 

Le XIX^e siècle Montmartrois demeure le plat de résistance du menu composé par Gérard Letailleur. Ce sera la gestation à la Bonne Franquette. Il y alterne une somme de petits et grands faits. A partir de la fin des années 1840, on y retrouve les riches heures de la Brasserie des Martyrs, siège de la Bohème, de Murger et de grandes plumes, de Baudelaire à Daudet sans oublier des chroniqueurs gastronomiques tels que Charles Monselet, auteur d’un vers croustillant dédié à l’andouillette. 

La Bonne Franquette en 1927.

Dédaignons la mouillette
Et la côte au persil.
Crépite sur le gril,
O ma fine andouillette !

Certes, ta peau douillette
Court un grave péril.
Pour toi, ronde fillette,
Je défonce un baril.

Siffle, crève et larmoie,
Ma princesse de Troye
Au flanc de noir zébré !
Mon appétit te garde
Un tombeau de moutarde
De Maille ou de Vert-Pré

Plus tard, il y a Franc Buveur, ce cabaret d’Olivier – ancêtre de la Bonne Franquette- qui attire bien du monde. Renoir peint La balançoire dans l’ancêtre du jardin de l’auberge puis, quelques années plus tard, Van Gogh, La Guinguette à Montmartre. 

Auguste Renoir – La Balançoire

Van Gogh – La Guinguette à Montmartre – Musée d’Orsay

C’est un livre qui tourbillonne comme un banquet de La Bonne Franquette. On se rend compte à quel point cette auberge Montmartroise, du fait des personnalités et de la persévérance des patrons qui ont tenu ses rênes ont compté dans cette renommée. Ainsi de « Madame Adrienne », ex-patronne d’un bar américain qui reprit l’affaire en 1925 baptisée A la Bonne Franquette. Véritable personnalité de Montmartre, la patronne compte parmi ses amis des hommes comme Utrillo ou Edouard Herriot. Sans oublier les His père et fils qui lui succédèrent. Et finalement la dynastie d’origine savoyarde des Fracheboud dont la 3eme génération est à l’œuvre. Et ne semble pas marquer le pas. 

Si Montmartre et La Bonne Franquette nous étaient contés…
De Gérard Letailleur
Trianon Editions d’Art
Broché 392 pages
Prix : 30€