Les chèvres de Monsieur Chevenet

La saison 2021 pourrie qui a frappé le vignoble n’a pas épargné les fromages de chèvres AOP Charolais et Mâconnais. «Cette année, le fourrage n’est pas de qualité car il a poussé trop vite. On n’a pas les moyens de contrecarrer ce phénomène millésime, c’est la même chose qu’avec le vin. Mais c’est cette variabilité qui fait une véritable AOP.» Justement Thierry Chevenet fait des assemblages de fourrages, en fonction des parcelles et de la météo avec des codes couleurs, selon une alchimie qu’il est peut-être le seul à maîtriser. Reste aux salariés à reproduire le code couleur de l’assemblage des fourrages.  Quant au complément à base de soja, il provient d’une exploitation de l’Ain. L’année prochaine, l’exploitation agricole devrait passer en bio.

Est-il possible de conjuguer mentalement bonheur animal et bon goût d’un produit ? Par exemple en dégustant un Mâconnais Chevenet et en allant observer les chèvres dans l’exploitation de Saint-Maurice-de-Satonnay.

«Allez les filles !» répète Thierry Chevenet quand il pousse la barrière de sa chèvrerie. Au baromètre de la ferveur, il y a un petit côté Elvis traversant une salle de concert à Las Vegas. En l’occurence, les Alpines les plus téméraires se dressent sur leurs pattes arrières en guise d’une accolade. Du pur amour à faire pleurer de dépit M.Seguin… Il peut les garder bien au-delà de leur maximum de performance laitière qui plafonne à 7 ans. Dans le troupeau, une centaine ont plus de 10 ans. Et en plus, elles ne sentent pas le bouc et ne bêlent pas.

Un seul salarié assure la traite des 1500 chèvres (3 litres de lait par jour). «On a rendu les horaires plus attractifs. Il n’y a plus de coupures, ils font 6 – 13h ou 14- 21h. » Sur le rotolacteur – le manège automatisé de traite- l’employée s’affaire à poser les manchons sur les pies. Au bout de trois minutes la chèvre soulagée de son lait les retire seule d’un coup de patte.

Alors que la France s’apprête à vivre une mutation périlleuse de son agriculture dans les prochaines années la transmission demeure pour Thierry Chevenet le point le plus délicat. «Le vrai problème c’est de conserver des producteurs fermiers. Or installer les jeunes, c’est ce qu’il y a de plus difficile» D’où sa recherche de candidats à la reprise des fermes – il en a déjà trouvé quatre- il monte avec les banques un système de prêts permettant  au repreneur d’investir d’abord sur la technologie – désormais indispensable- quitte à rembourser le foncier dix ans plus tard. «Pas besoin d’être fils d’agriculteur. D’autres parcours avec des expériences diverses permettent d’apporter un regard neuf. Ce qui m’importe, c’est qu’un producteur de lait fermier soit également un producteur de fromage.» 

Lui-même a pris un associé pour sécuriser la transmission de son exploitation de Saint-Maurice-de-Satonnay qui couvre une centaine d’hectares et où il a planté sur quelques parcelles forestières des acacias. «Ce sont des bois imputrescibles. Dans 30 ans, on n’importera plus de bois de l’autre bout du monde.» En revanche, il est fort probable qu’on continuera à exporter des fromages de chèvres de Chevenet !

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