A la Source…ah Rungis…

Un soir de novembre nappé de crachin dans les allées désertées de Rungis, « A la Source » évoque un drugstore new-yorkais du peintre Edward Hopper. Un aimant lumineux pour de rares noctambules. En l’occurence plutôt des gourmets à la recherche de la promesse d’une émotion gastronomique rendue crédible par l’ouverture très médiatique en mai dernier de ce restaurant par Nicolas Sale, chef réputé pour ses deux étoiles décrochées au Ritz et à Courchevel.

A l’intérieur d’A la Source, très peu de monde ce soir. Mais cela ne plombe pas l’ambiance. La lumière chaude comme les matériaux en bois et ce comptoir entouré de cuivre martelé donnent à l’endroit un petit côté hispanisant et moderne. 

L’architecture du lieu s’organise autour d’une vaste cuisine ouverte, sorte d’atrium, autour de laquelle sont distribués différents endroits pour se restaurer selon son humeur.

Il y a la grande salle en longueur pour la convivialité avec des mange-debout, il y a aussi deux sortes « d’aquariums » fermés par des vitres et un rideau pour garder l’intimité ou encore une terrasse couverte aux teintes vertes pour les événements d’entreprise. Le clou du dispositif -encore inachevé- consiste en la salle du chef comme un PC au milieu de la cuisine protégé par des vitres. Ici de « very very happy few » auront le privilège d’avoir le chef de près cuisinant uniquement pour eux. Sera-ce Nicolas Sale ? 

Pas de carte mais deux ou trois suggestions sans que les prix ne soient abordés. Cela commence plutôt bien avec des rillettes de la mer iodées et savoureuses proposées en amuse-bouche. Quand arrivent les plats on est agréablement surpris par les proportions. Bon point, la maison est généreuse. Bien vu au pays des grossistes. Cinq grosses coquilles Saint-Jacques, une grande saucisse, deux bonnes tranches de terrine. 

Mais si le gravlax de saumon s’avère divin, l’œuf meurette en revanche semble sorti d’un naufrage flottant au milieu de trop d’ingrédients. Il est surtout beaucoup trop salé et donne une bouche pâteuse. La saucisse au couteau maison bien relevée au piment d’Espelette manque un peu de gras et se fait donc sèche au palais.

Au pays du frais et du produit, la fondue de poireaux semble un peu collante et les légumes manquent de craquant. En dessert, les crêpes Suzette sont tassées dans leurs petits plats comme des sardines de la chanson de Patrick Sébastien et ne déploient pas leurs charmes même sous le feu bleu du Grand Marnier. La panna cotta aux teintes bleutées avec sa salicorne et sa spriruline renvoie quelques notes iodées et révèle un effort de créativité de la pâtissière maison à ne pas décourager.

Quant aux vins, de nobles quilles bachiques frôlent plus souvent les 130 € que le 50€… Ouf ! le bon sommelier perspicace sait vous dénicher quelques petites perles autour de 60€ pour accompagner votre repas comme ce cheverny Les Ardilles, assemblage de gamay et de pinot noir, d’Hervé Villemade. Au final, ce nouveau restaurant rungissois se fera plus raisonnable que bien des établissements parisiens. Mais quant à trouver la Source d’une émotion gastronomique … c’est une autre paire de manche. 

A la source :
MIN Rungis (péage : 16€)
4 Av. de Bourgogne, 94550 Rungis
Ouverture
Lundi de 7h à 15h
Et du mardi au vendredi de 7h à 22h30
A déjeuner : menus de 35 à 85€
A dîner : de 40€ ( E+P ou P+D) à 90€