Un label Gibiers de France pour relancer la consommation de gibiers sauvages

Début octobre, la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) a lancé en grande pompe un label « Gibiers de France ». Il sera délivré par Certipaq, organisme spécialisé dans le contrôle des signes officiels de qualité. La marque doit garantir «la traçabilité et la qualité du gibier français, du territoire à l’assiette ». Elle ne remplace pas les agréments sanitaires des services d’hygiène qui demeurent indispensables.

La marque est parée de toutes les vertus. Elle promeut une viande saine et vise à transformer la consommation de venaison en remettant le gibier avec toutes ses qualités nutritives – moins de graisses, plus de protéines- dans les assiettes des Français. 

Elle implique ainsi de restructurer en profondeur la chasse par la mise en place de filières -longues et courtes- en cassant le côté « sous le manteau » de certains circuits plus vraiment d’actualité. Les cuisseaux découpés à la va comme je t’pousse et baladés dans un coffre de voiture par des chasseurs évoquant ceux du sketch des Inconnus, ça ne fait plus vraiment envie… Il faut convaincre les petites sociétés de chasse de s’équiper en chambres froides et de demander un agrément sanitaire pour pouvoir vendre à d’autres opérateurs. 

Jamais le concept de souveraineté alimentaire n’a paru aussi pertinent et actuel qu’avec le gibier sauvage. En mettant en avant l’origine France, il s’agit pour la FNC de lutter contre l’absurdité d’un marché français dans lequel les importations – souvent de gibier d’élevage-  qui dépassent 50% peuvent représenter jusqu’à 90% en périodes de fêtes. Une aberration alors que le gibier sauvage n’a jamais autant pullulé dans les forêts de France. Soit une multiplication par 16 de la population de cervidés et par 22 de celles des sangliers en 50 ans. «  Sur les 860 000 sangliers prélevés, à peine 40 000 sont commercialisés officiellement » dit Olivier Touchard en charge du dossier à la FNC. 

« D’autant que l’attente est là. Les consommateurs veulent des produits locaux et sains.» explique-t-on à la FNC. Depuis deux ans, les choses commencent à changer dans certains départements. La création de petites filières par exemple dans les Pyrénées, la Haute-Savoie, la Lozère et l’Aveyron ont vu le jour avec succès. On attend de « Gibiers de France » qu’il amplifie ce mouvement en permettant aux sociétés de chasse de mieux valoriser leurs gibiers, soit auprès des restaurateurs  des environs qui pourront afficher l’origine sur leur carte, soit auprès de bouchers qui doivent obligatoirement acheter le gibier « en peau » éviscéré et avoir une chambre froide dédiée. Depuis le lancement de la marque, quelques dizaines de bouchers ont déjà manifesté leur intérêt pour le label. 

Ceux qui se sont déjà lancés dans l’aventure du gibier sauvage ne semblent pas le regretter.« Notre offre gibier a permis à notre maison de nous ouvrir de nouveaux horizons, de développer une nouvelle clientèle.» témoigne par exemple Casimir Conquet de la maison éponyme à Laguiole. « L’important, c’est que la viande soit travaillée dans les bonnes règles d’hygiène dès le départ. »

Mais il y a aussi le prix. « On vend à un transformateur de Compiègne à 1,60 € le kg de sanglier que l’on retrouve en saucisson à 35€, c’est un peu n’importe quoi…» déplore un chasseur de l’Oise.  Invoquer le locavore, le durable et la proximité sera vain si le gibier demeure inabordable.  « Nous ne sommes pas encore dans une filière classique, il n’y a pas de visibilité, on ne sait pas combien on va rentrer de carcasses» argumente quant à lui Olivier Touchard pour expliquer la difficulté des opérateurs à fixer des prix.  A la FNC, on croise les doigts pour que la mise en place de filières longues et de filières courtes aboutissent à hausser le prix d’achat aux chasseurs et à baisser le prix de vente au consommateur final. Et de plaider pour un positionnement prix entre l’agneau et le bœuf autour de 20€ le kg. L’exemple anglais du steak de cerf à 11,50€/kg – même chez un boucher de province- apparait encore de ce côté du Channel comme une utopie. Gibiers de France la transformera-t-elle en réalité ?