« Les larmes du vin » de Daniel Picouly prix de l’Académie Rabelais

Preuve que les confréries ont encore une utilité … car c’est en préparant le discours d’intronisation à la « Confrérie des  chevaliers du Tastevin » du Clos de Vougeot que Daniel Picouly a eu l’idée d’écrire Les Larmes du vin. Elles  ne sont pas de tristesse. Plutôt de joie … bachique.

L’Académie Rabelais ne s’est pas trompée en récompensant l’ouvrage de ce « cancre de cépages», auteur d’une sorte d’autobiographie mutine et facétieuse dont le vin semble marquer les grands et les petits moments de bonheur et dont le style tiendrait à la fois du Petit Nicolas et de San Antonio (mais sans partie de jambes en l’air..).  Avis aux historiens. Sans en avoir l’air, le récit léger et fruité comme un gamay primeur contribue à sa façon à ancrer un peu plus le vin comme un élément fondamental de la civilisation française durant les Trente Glorieuses. 

Les anecdotes et les réflexions savoureuses qui parsèment le récit de sa vie sont comme des grappes bien mûres dans lesquelles Picouly croque à pleines dents. Issu d’une famille de treize enfants, il parle avec tendresse des vins de table de son enfance – Postillon et Gévéor –  mais aussi du Moët & Chandon-Brut Impérial débouché  en 1960 pour fêter l’emménagement tant espéré dans le F5 de la cité HLM d’Orly. 

Exemptes de toute soulographie, ces Larmes du vin -, abordent finalement, sans en avoir l’air, cette réflexion entre quête de l’équilibre et recherche du bonheur. Savoureuse est, sur ce point, son interrogation sur le bien-fondé de cette théorie scandinave qui veut que l’homme subit un déficit d’alcoolémie de 0,5 g dans sa recherche du bonheur.

«Dans ce 0,5 g, j’aime voir l’image d’un funambule, un Pierrot lunaire, il avance sur un fil tendu au-dessus du vide. Un long balancier en main, il tangue, penche d’un côté ou de l’autre, près de verser, mais se rétablit, se tient en équilibre et avance… »

Quant à son expérience des comptoirs, Daniel Picouly n’est guère démuni sur ce point et raconte son expérience de barman à Orly. 

«L’épisode de mon élection de commis du soir commence par un triomphe. Derrière le comptoir, je ne savais plus où donner du limonadier. Tout le monde me voulait pour lui servir du beaujolais, côtes-du-rhône ou bordeaux. Je bichais. Ils admiraient mon tour de main sur la goutte vicieuse. J’ai déchanté quand mon chef a émergé de ses roucoulades avec une hôtesse de terre dans l’office. « Tu parles qu’ils t’aiment : tu sers des baquets au prix du ballon ! » Je m’étais trompé de verre. Question de taille. Côté chambrage, ç’a été ma tournée.»

On sirotera donc ces Larmes du vin d’un cœur léger comme on vide une bouteille de sauvignon de Tariquet que l’auteur semble particulièrement apprécier. Même si  peu à peu, comme avec certains grands crus une noble et puissante amertume marque la fin de bouche. En l’occurrence ici celle de la perte d’une sœur chérie qui ajouterait presque le sel d’une larme humaine au sucre de ces Larmes du vin …

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Les Larmes du vin
Daniel Picouly
Albin Michel
19,90€