L’Islandais Robert Wessman reprend un fleuron du bergeracois

P-B- C’est un champagne de haute volée, capable de mettre les sens en effervescence, nul ne le conteste. Mais, pour en revenir à l’acquisition des Verdots, nombre de consommateurs se posent encore la question de savoir pourquoi, et avec les moyens qui sont les siens, la maison Wessman n’a-t-elle pas plutôt cherché à s’implanter au coeur d’appellations dont le seul nom évoque… l’indiscutable prestige ?
J.de R- Je pourrais vous répondre « parce que Robert Wessman aime les défis » mais je serai plus nuancé…

P-B- Coup de coeur, alors ?
J.de R- Quelqu’un de célèbre a déclaré que « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas » et ils sont nombreux, vous le savez bien, ceux qui tombent amoureux du Périgord. Quelle que soit sa couleur, vert, blanc, noir ou pourpre…

P-B- D’autant que ce dernier détient un atout supplémentaire: sa complicité avec le dieu Bacchus…
J.de R- C’est évident. En s’installant dans le bergeracois viticole, Robert Wessman cédait sans doute aux impulsions d’un coup de coeur. Coup de coeur qui avait sa raison d’être et qui prit l’allure d’une grande histoire d’amour. Elle était fondée, en l’occurence, sur les attraits culturels dont les vins du bergeracois sont porteurs.

P-B- Pourriez-vous préciser ?
J.de R- Tous ceux qui ne s’en remettent pas au seul prestige de l’étiquette, vous diront que les vins de Bergerac sont tout aussi valeureux que ceux de son grand voisin bordelais…

P.B- « Valeureux » au sens chevaleresque du terme ?
J.de R- Bien plus encore. Un exemple ? Vous en connaissez beaucoup des vins comme Monbazillac, dont le patronyme représente à la fois un château, une appellation et une commune ? Ce que certains font mine de ne point saisir ou, plus simplement, ignorent, c’est que le patronyme de cet espace viticole est porteur d’un impact culturel indéniable. Bergerac est chargé de toute une histoire dont les répercussions dépassent le cadre de la France et, si l’on ne s’en tient qu’à son potentiel viti-vinicole, ses atouts climatiques et géologiques sont comparables à ceux de Saint-Emilion.

P-B- C’est d’ailleurs ce que David Fourtout, originaire du saint-émilionnais, se plaît à rappeler…
J.de R- Et il a raison ! J’ajouterai que le Bergeracois connaît des précipitations moins abondantes, des étés moins brûlants, en un mot un climat plus équilibré que celui du Bordelais, lequel doit composer avec les caprices, parfois brutaux, de l’Océan voisin qui se trouvent, ici, atténuées, assagies. Un environnement qui, selon Robert Weissman, mérite l’attention de grands vinificateurs. Raison pour laquelle il a engagé un immense oenologue, mondialement connu, Michel Rolland.

P-B- Un choix qui en dit long sur les perspectives envisagées non ? Et qui, de plus, est un hommage à David Fourtout .
J.de R- C’est juste. Les vins issus des Verdots sont beaucoup plus que des produits de « bon niveau ». Les dégustations à l’aveugle en font foi. Le mérite en revient à tous ceux qui les ont conduits là où il sont. Robert Wessman qui accorde une très grande place à l’humain, ne s’y est pas trompé. Il a tenu à garder en poste les sept salariés qui opéraient avec David.

P-B. On ne change pas une équipe qui gagne dit-on à Bergerac, pays du rugby…
J.de R- Les objectifs de la maison Wesman sont très clairs: conserver- et renforcer !- l’image du domaine auprès de la clientèle nationale et celle d’une proximité à étendre. Autre perspective: booster les exportations vers l’Asie et les Etats-Unis . Elles progresseront, de 250 000 à 400 000 bouteilles. Tous ces objectifs passent évidemment par la reconnaissance qualitative véhiculée par les médias, et par la présence des Verdots dans les salons nationaux et internationaux.

P-B- Que faut-il entendre par « clientèle d’une proximité à étendre » ?
J.de R- Tout amateur de vins qui se déclare heureux, voire conquis, par une dégustation effectuée « in situ », reste le meilleur des agents commerciaux. Il aime faire aimer ce qu’il a aimé. Il n’y a pas de pub plus efficace parce qu’elle passe par le ressenti partagé. Il apparaît donc opportun de multiplier le nombre de ces passeurs d’émotions en leur proposant de nouveaux pouvoirs d’exciter leurs désirs de connaître…Et de renforcer ainsi leurs convictions pour mieux les partager ensuite. Encore et encore…

P-B- Comment ?
J.de R- Le Périgord est attractif. Surtout le Périgord gourmand. C’est connu. L’idée, c’est d’installer aux Verdots, un point de fixation afin que ce ne soit plus un simple lieu de passage.

P-B- Et ce point de fixation sera ?…
J.de R- Un restaurant ! L’espace ne manque pas pour installer une halte gourmande. Elle sera, visuellement, annoncée aux touristes, lesquels, nombreux, circulent sur l’axe routier Agen-Bergerac. Les tarifs proposés seront sages. Pas question d’arnaquer le visiteur, il ne reviendrait pas. Pas question non plus de livrer bataille aux grands restaurateurs de la région. Les menus seront simples, goûteux, et, je le répète, peu onéreux . Des « mises en bouche » en quelque sorte pour inviter à monter en gamme. Nous avons pris contact avec des chefs talentueux car il n’est pas question de proposer de la malbouffe.

Propos recueillis par Pierre Carbonnier