Bilan et choses vues au Salon de l’agriculture 2024

Si mal parti et pourtant si bien terminé.… Avec 603 652 visiteurs soit à peine 2% de visiteurs en moins par rapport à 2023 – et sans vacances scolaires parisiennes- ce salon agricole sexagénaire aura fait preuve d’une sacrée vitalité déjouant les oracles les plus noirs. 

Les cohortes de CRS dans le Hall 1, les bousculades et insultes au Président le samedi d’ouverture n’auront pas découragé les visiteurs… Dans une France clivée et individualiste comme jamais, le Salon de l’Agriculture demeure un rare et authentique phénomène populaire.

Faut-il y voir un effet des fontaines à eau de «Pernod Ricard» mais sans Ricard ou de l’avertissement aux exposants de ne pas servir des personnes ivres sous peine de fermeture ? Aucun coma éthylique n’aurait été à déplorer selon les organisateurs, contre 82 l’année dernière. Même si des secouristes ont eu parfois à gérer des cas d’ivresse plus que limite …

Tous n’ont pas été à la fête comme les malheureux exposants du Hall 7.1 qui ont eu l’impression d’être relégués au bout du salon, à l’exemple de ces brasseurs gardois qui n’ont pas vu passer tant de monde…«Le premier samedi de 2023, nous avions écoulé 22 fûts de bière contre deux cette année. » constatait dépité Christophe Fresquet de la Brasserie Méduz.

Pour prendre de la hauteur et malgré un débat vigoureux entre Emmanuel Macron et les syndicats, bien malin celui qui peut donner une image claire de l’agriculture française. Certes, il est difficile d’ignorer le malaise profond … On aura surtout compris que le malaise n’était pas de même nature et de même envergure selon le type d’agriculture pratiquée. Entre le patron céréalier de la FNSEA et ses 600 ha et les deux arpents de l’éleveur de chèvres lozérien, entre le betteravier de l’Aisne et l’éleveur de canards Landais frappé par l’épizootie aviaire, chacun a ses fléaux. Mais pas forcément les mêmes revenus.  

Et puis jamais la pédagogie ne s’était autant effacée devant la démagogie. Dénigrer la PAC semble une facilité rhétorique. Mais il faudrait veiller à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain en privant certains agriculteurs d’une politique pouvant représenter la totalité de leurs revenus. 

Quant à la souveraineté alimentaire psalmodiée comme un mantra par le Premier ministre et son ministre de l’Agriculture elle fait penser aux plans quinquennaux staliniens. De gros chiffres qui cachent la vie et le bonheur qui s’enfuit. Pour nourrir le bétail, ne pourrait-on pas remplacer le soja OGM brésilien par le lin et le lupin ?

Penser calmer la colère en assouplissant les conditions d’épandage des phytos n’est pas faire preuve de courage politique. C’est surtout une mauvaise nouvelle pour les enfants d’aujourd’hui. A ne pas réduire les molécules dans l’air et à continuer avec le tandem glyphosate/néonicotinoïdes – fabriqués en Chine et en Inde-, les factures autant en biodiversité (adieu oiseaux et abeilles)- qu’en termes de cancers déclarés risquent de s’avérer un jour prochain très salée.

Les trente glorieuses ont abouti à un écroulement des prix de l’alimentation et donné aux Français l’illusion d’une nourriture bon marché. La fête est finie et le gueule de bois est là avec une inflation de 20% dans l’alimentaire depuis 20 mois. Et ce, alors que les coûts du logement et autres abonnements contraints – énergie, internet, téléphone mobile- s’envolent.

« La calorie consommée est aujourd’hui composée à 30 % – 35 % de graisse et à 20 % – 25 % de sucres rapides » expliquait dans le Monde un spécialiste des questions agricoles. Et c’est bien cette calorie qui est au cœur des produits ultra-transformés. Car c’est la moins chère à produire et la plus souvent importée. Est-ce qu’elle était présente au Salon avec Lidl et MacDo ? En attendant, le « fait-maison » – en cours de redéfinition légale – et le locavore auront du pain sur la planche pour s’imposer face à elle.