Les Fines Gueules

D’Artagnan et ses compagnons n’auraient pas fait la fine bouche devant ces Fines Gueules. La façade joufflue et généreuse comme un magnum de l’édifice classé du XVIIe siècle et signé Mansart est de bonne augure. A l’intérieur, le patron a laissé les pierres apparentes et les a parsemées de pièces métalliques évoquant la révolution industrielle.

Le comptoir corseté de plaques de zinc tel un Nautilus aimante en journée les amateurs de vins singuliers. Car Arnaud Bradol, boss d’origine bretonne, n’est pas un « marchand de cuites » plutôt un dispensateur d’extases bachiques à l’approche plutôt bio dynamique. Mais sans dogmatisme du vin nature, juste la religion du bon.

Il est tombé dans le fût en rencontrant Marcel Lapierre, pionnier des beaujolais nature sur ses terres. «Il m’a ouvert les yeux. Il nous a parlé de sa vision du terroir, de sa façon de travailler les vignes. Depuis ce jour, cette passion pour le vin ne m’a plus lâché». explique celui qui réécrit sa carte des vins chaque jour. Sa cave aux 20000 flacons recueille nombre de cuvées du beaujolais- des crus à faire frissonner amateurs éclairés et néophytes sans œillères – mais pas que… Comme ce vin orange de Vinoceros ou ce joli Anjou du Château de Plaisance (tout un programme) dont la finesse accompagne celle des tranches du carpaccio de veau travaillé par le boucher Desnoyers.

C’est un des rares bistrots parisiens qui laisse vraiment le temps aux cuvées de vieillir. Ce qui permet de découvrir quelques perles qui brisent bien des idées arrêtées sur l’évolution du goût des vins à l’exemple de ce Saint-Romain 2000 où l’œuvre des jours transforme un chardonnay en chenin sur le coing ou encore ce Jacquesson 2005. Outre la dizaine de vins au verre qu’il propose chaque jour, le patron ouvre chaque soir un magnum, l’occasion de découvrir de beaux crus tel ce Cornas signé Matthieu Barret dans toute leur plénitude.

Et puis il y a Nicolas Gauduin, le chef, qui travaille une cuisine construite autour de beaux produits auxquels il ajoute un paysage, un relief, une texture mais sans leur faire perdre ni leur âme ni leur goût. Ainsi en va-t-il de ces cuisses de grenouille en persillade émergeant d’une mousseline verte de céleri et de cresson (19€), façon d’imager un retour à la mare.

Ou ce ris de veau poché au lait, tapi sous une épaisse couche de chapelure et parsemé de girolles et de lamelles de truffes (39€). Les desserts ne brident pas sa créativité. A l’exemple de cette mousse d’avocat, pistache, crumble et Wasabi (13€) comme la magie d’un lichen posé sur une mousse bien verte qui vous enchante le palais avec le craquant des brindilles sous les pieds. Qui ferait la fine bouche face à cet appel de la forêt ?

Les Fines Gueules
43 rue des Petits Champs
75001 Paris
Fermé le week-end – dernière commande 22h30