L’Abordage

On n’aborde pas l’Abordage pour tirer la tronche ! Ce beau café est doté d’une des terrasses les plus agréables du quartier. Vue superbe sur Saint-Augustin et le Square Pagnol avec une circulation réduite. L’intérieur a été soigné :  luminaires à boules, banquettes bordeaux, comptoir Nectoux et réclames authentiques tirées du magazine d’avant-guerre, l’Illustration. Ce café joue à plein le rétro. Mais l’esprit années trente qui anime le lieu n’est pas celui de la crise de 29 et des ligues, plutôt celui d’une bande de copains sortie d’un film de Duvivier autour d’un bon vin.

« Je veux que chez moi les gens se sentent comme chez eux » déclare Philippe Porte l’un des deux patrons. A entendre le son joyeux de son bistrot, on y est. Quid de l’assiette ? « Cela passe par des plats de partage réalisés à partir de produits français en circuit-court si possible.» Le chef, David Perret, dont on aperçoit la toque noire sillonner les fourneaux ouverts sur la salle, est du genre à ne négliger aucun détail pour exprimer le meilleur du produit ou d’un plat. 

A l’exemple de sa délicate mayonnaise qui nappe l’œuf bio mayo au subtil goût de moutarde ancienne. C’est aussi un as de la cuisson et du produit convivial. Il veille au repas de côte de bœuf Salers (1,2 kg, 96€), après cuisson afin qu’elle atteigne la tendreté optimum. Son épaule d’agneau confite sept heures, (89€ pour quatre) comme sa joue de cochon confite (24€) qui vous met âme et palais en joie par le contraste des textures entre chair fondante et légumes craquants. Le tout baignant dans un jus de viande sapide qui a pris le temps de concentrer ses forces afin de marquer les papilles durablement. Foie de veau, tartare, suprême de poulet estragon, la carte recueille d’autres propositions simples mais alléchantes. 

Côté vins, Franck au comptoir connait ses quilles comme Mozart ses notes. Vous lui demandez un gamay léger et hop ! il vous sort un fleurie élégant, souple et fruité du domaine des Grands Fers. Pour le reste, la carte des vins, opulente et intelligente,  permet bien des accords, des plus légers aux plus fortifiés : de la côte de Nuits aux grands Médocs sans oublier de belles remontées du Rhône à commencer par le Château La Borie. Sans oublier cette curiosité, ce « Bal du Roi », joli pinot noir francilien qui sonne le retour de la vigne dans la région capitale.

Enfin, cet Abordage excelle pour agripper les becs sucrés. Il a pour ce faire un quartier-maître talentueux. Le pâtissier, Hervé Moreau, dont la créativité et l’obsession de la légèreté se distinguent dès la première bouchée. Ainsi en va-t-il de ce « Comme un Pim’s » (10€) biscuit à l’orange aéré et surmonté d’un voile de sucre entouré d’une lagune chocolatée qu’il faut traverser pour opérer un bel abordage … Et s’il fallait retenir un seul gâteau., ce serait son mille-feuille. Son feuilletage qui n’a jamais connu un frigo, produit un craquement incomparable, délicat comme une mandibule de grillon. Quand la fourchette se pose, il faut tendre l’oreille. Quant à sa crème, elle vous déposerait presque dans un nuage digne de Tiepolo.

L’Abordage
2 Place. Henri Bergson, 75008 Paris
Fermé le week-end
Dernier service 22h45