Journal d’un café de campagne par Pierrick Bourgault

Et si la reprise d’un bistrot en province devenait un thème de roman au même titre qu’un premier amour ? On se souvient du Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari, où deux étudiants parisiens reprenaient un bistrot de village en Corse. Cette fois-ci, c’est Pierrick Bourgault qui s’y colle avec ce Journal d’un Café de Campagne. Sa plume légère et vivante rend sa lecture facile. Mais l’ouvrage pourra servir d’avertissement comme de vade mecum à tous les candidats à la reprise d’un zinc dans la France d’aujourd’hui…

Un jour Yann apprend que sa tante Marie, propriétaire d’un café-hôtel-restaurant en Bretagne est décédée. Tout remonte alors à la surface. Ses souvenirs autour de cet ancien relais de poste avec son café, ses tables en Formica, le percolateur, la salle de bal, l’odeur du tabac froid …
Souhaitant redonner un sens à sa vie et encouragé par sa compagne Lim qui lui confie un matin « c’est drôle j’ai rêvé cette nuit que tu reprenais le café de ta tante » il plaque tout pour se lancer dans l’aventure. Lim quant à elle fera des allers retours TGV pour le rejoindre le plus souvent possible.

Mais peut-on vraiment s’improviser patron d’hôtel et de restaurant du jour au lendemain ? L’auteur raconte avec humour ses rencontres avec l’agent immobilier qui lui propose de casser les cloisons car les volumes sont « fabuleux », de « mettre aux normes » (EPR …) « Soyez tranquilles nos entreprises partenaires assurent les travaux de rénovation. Le comptoir c’est facile à valoriser sur le Bon Coin surtout un Nectoux en étain avec une bordure art déco …»
Autre passage savoureux : sa rencontre avec le banquier : « Intéressant votre projet … Quel est votre concept ? Gastro, ouvrier, snack, lounge ? Vous avez une expérience dans la restauration j’imagine ? Vous n’ignorez pas que les gens possèdent une machine à café à la maison, des bières au frigo … Il y a des distributeurs de baguettes et de pizzas … » Pas très encourageant et surtout pas de prêt à l’issue de l’entrevue. Tant pis, ils se débrouilleront autrement. Tout aussi croustillantes les anecdotes autour des journées de formation obligatoires pour toute personne reprenant un café intitulées « Permis d’exploitation ».

Yann et Lin réussiront à fédérer autour d’eux le village et les touristes étrangers. Improviser des omelettes aux rillettes ou des bobuns, organiser des concerts, des bals musette le dimanche, y faire jouer des pièces de théâtre. Que du bonheur ? Pas vraiment car les déboires vont vite faire leur apparition. S’ils réussissent à tisser un vrai lien social autour de leur lieu, Yann et Lin vont devoir faire face au serpent administratif. De procédure en procédure ils vont craquer face à ces obligations bureaucratiques et autres redevances Sacem.

Le couple devra aussi affronter le réaménagement de la place sur laquelle donne le café et l’installation d’une rocade d’autoroute derrière eux. Si le maire du village lui vend le projet comme une aubaine puisqu’il pourra nourrir les ouvriers pendant toute la durée des travaux, une fois ceux-ci terminés, il raconte toujours avec un brin d’ironie où l’on verrait bien se glisser M.Hulot : « Le chantier s’achève, les ouvriers vissent la signalétique : sens interdit, interdiction de stationner, place pour personne à mobilité réduite, stationnement limité à 15 mn, piste cyclable, 30 km/h … Une floraison de panneaux aux couleurs brutales et d’une taille autoroutière jaillit sur les murs de granit … La situation dérape, m’échappe, me navre » Et de confier : « En achetant l’Hôtel de France j’ai suivi un rêve d’enfance et me voilà plongé dans un urbanisme de bitume. »

Yann et Lim quitteront finalement la France pour ouvrir une boulangerie française à Taïwan. Alors l’herbe est-elle plus verte à Formose ? Réponse dans un prochain livre ?

Journal d’un café de campagne
Pierrick Bourgault
Editions Ouest-France
Prix : 15€