Trump et la menace atomique des 200% de taxes sur les vins et alcools européens

Avec Donald Trump, il faudrait pratiquer le précepte de Jésus. Tendre l’autre joue après la première baffe. Le président US a décidé une hausse des tarifs douaniers de 25% applicable à partir du 2 avril sur l’acier et l’alu européen. Et maintenant sur les voitures importées. La Commission Européenne a  envisagé d’y répondre par un projet de taxe de 50% sur le bourbon US. Fureur de Trump qui a menacé d’appliquer une surtaxe de 200 % sur les alcools européens. La Commission européenne a repoussé la réponse au 14 avril. La profession retient son souffle.

200 % c’est une menace atomique. Car les USA sont le premier pays consommateur de vins au monde. Pour la France, c’est un marché de 3,6 milliards d’euros dont 800 millions pour le seul champagne et un peu plus de 400 pour le bordeaux. De plus, il n’implique pas simplement les grandes maisons comme LVMH mais aussi nombre de vignerons indépendants. 

Ces derniers mois, beaucoup d’importateurs américains ont anticipé et surstocké. Mais d’autres commandes ont été aussi mises en stand-by de crainte que les conteneurs en cours d’acheminement ne se voient appliquer la taxe fatale à leur débarquement. 

Parmi les vignobles les plus exposés, on relève les Côtes de Provence, dont les USA représentent 50% de l’export et dont la commercialisation des rosés est courte. Il y a aussi le champagne, le sancerre et le cognac qui tire des USA 40% de ses revenus. «Tout le monde est dans l’incertitude et ce n’est pas bon du tout pour le commerce» explique Joost de Villebois, producteur sancerrois d’importance qui exporte 20% aux USA. 

Outre-atlantique, le risque d’un ébranlement sérieux de l’éco-système du vin

Croyant mettre à genoux les Européens, c’est tout l’écosystème de la distribution outre-atlantique que Trump – qui ne boit pas une goutte d’alcool- risque de flanquer par terre. Douaniers, transitaires, importateurs, distributeurs, détaillants et… restaurants, cette chaîne de valeur représente des milliards de dollars dépensés aux USA. Comme l’explique le négociant Jeff Carrel « si au départ d’Europe le prix d’une bouteille est de 3  dollars, en fin du parcours elle se retrouve entre 12 et 16€. La différence est dépensée aux USA. Voilà pourquoi cette mesure ne durera pas car son industrie ne tiendra pas» assure le négociant. 

En l’absence des vins européens rendus inabordables, un gestionnaire de réseau prévoit d’augmenter ses prix sur les vins américains. Cela ne devrait pas faire l’affaire des consommateurs américains … Donald Trump ne leur avait-il pas promis une baisse de l’inflation ?

Et une fragilisation des restaurants outre-atlantique

Si l’on met de côté la perte d’un certain art de vivre lié au vin dans les restaurants, les restaurants US vont perdre un peu d’attractivité et voir leur équilibre économique davantage menacé. Car comme en France,  dépendant aussi du vin en pratiquant en moyenne des coefficients de 3.

Quels scénarios ? 

On devrait être fixé très vite. L’administration US pourrait être tentée de fragmenter le camp européen excluant par exemple les Italiens des tarifs. Georgia Meloni est après tout une de ses groupies les plus fidèles.  Et si le pire survenait, la mesure priverait dans quelques mois, le temps que les stocks s’épuisent, les consommateurs américains de la middle class, de champagne et de vins français. Car leurs prix s’envoleraient. Les Australiens, Chiliens et Néo-Zélandais auraient le champ libre. Avec le risque terrible de voir les Français perdre durablement leurs positions acquises parfois depuis Jefferson. Certains se souviennent du dernier essai nucléaire en Polynésie décidé par Jacques Chirac en janvier 1996. Il avait produit un embargo dans certains pays scandinaves comme la Norvège ou le Danemark. «Les vins français n’ont jamais récupéré leur place.» souligne à ce sujet le négociant Jeff Carrel.

Quant à imaginer que la surtaxe ne soit que provisoire … Il est probable qu’après cette période de surstockage, la reprise du trafic maritime des vins et spiritueux entre l’Europe et les USA n’aboutisse à un renchérissement significatif du coût du transport qui, dans tous les cas, sera là encore payé par le consommateur US.  

L’avis d’un Champenois, Michel Drappier

Michel Drappier producteur du champagne éponyme avoue n’avoir plus le même optimisme qu’auparavant.

«Trump a les jouets en main et il joue. Je ne peux pas dire que ça n’arrivera pas (l’application de la surtaxe de 200%-NLDR)… Je me souviens de la fermeture du marché chinois aux vins australiens, ça avait été très dur pour eux. Ils en ont souffert. Ils arrachent… De nouveaux marchés, notamment asiatiques, ont émergé pour le champagne mais ils ne pourront pas absorber l’intégralité de la perte du marché américain. Chez Drappier, les USA représentent 7% de notre activité. C’est surmontable. Mais je crains un effet domino si tous les autres producteurs venaient à se retrouver en concurrence sur les autres marchés…».