Après trois mois de travaux, il n’était pas peu fier le Cantalien Michel Tafanel d’inaugurer son café Bonaparte tout nouveau, tout beau. Cette splendide affaire centenaire de Saint-Germain des Près qui a offert asile durant des décennies à des cohortes d’étudiants des Beaux-Arts est prête à affronter l’usure du temps.
La nouvelle décoration ne manque pas de charme ni de chaleur. Les boiseries sont si bien patinées qu’on leur donnerait deux siècles, les banquettes sont bien rembourrées et la lumière diffusée par les luminaires et des appliques est à la bonne température.
On est loin du simple relookage. La rénovation en profondeur signée Lafond a permis de gagner une trentaine de mètres carrés. Autrefois souterraine, la cuisine a été remontée au rez-de-chaussée, le long comptoir parallèle à la terrasse a été déplacé, et les toilettes descendues en sous-sol. Plus modernes, elles ne rebuteront plus les clientes Japonaises sensibles. D’autant qu’on y accède si l’on veut par un ascenseur de bois et de verre, un investissement de 150 000 € qui assure l’accès aux handicapés.
Cet ascenseur promet de devenir une des attractions du Bonaparte. On appuie sur le bouton et hop apparaît au travers des parois de verre Napoléon et… Marie-Louise. Badaboum ! Un anachronisme pour ceux qui aiment Bonaparte le général révolutionnaire -le héros d’Arcole et d’Egypte- et détestent Napoléon le tyran. Et pourquoi faire apparaître la petite nièce de Marie-Antoinette et non Joséphine, l’épouse légitime de Bonaparte ? Est-ce pour la punir de ses infidélités qu’elle se trouve rejetée aux oubliettes de l’histoire dans le café qui porte le nom de son mari. Les Bonapartistes et les officiers grincheux risquent de tousser devant un empereur qui porte à droite ses décorations et sa cocarde…Mais pour Richard Lafond, le décorateur, il n’était pas question de perdre l’identité de ce café germanopratin en tombant dans le style Empire. Il a donc enterré l’Empire.