La Cave Beauvau

Etablissement fermé

Ce bistrot, à deux pas de l’Elysée, baigne tellement dans son jus années 50 qu’on ne serait même pas surpris de voir débouler René Coty pour commander un calva.

Quel bonheur de voir écrit en gros sur le tableau derrière le comptoir, « Coca 15€ », « coca light 18 € »… Tandis que sur les ardoises s’aligne une litanie de crus du beaujolais à 2,50€ le ballon. Pince-mi et pince-moi…sont dans un bistrot. Si Sarko venait à pousser la porte, Stéphane Derre, le patron aurait de quoi le convaincre de se mettre au vin rien qu’en lui servant son bourgogne aligoté signé Perraud. Un vrai conte pour angelot bachique !

Le 2 avril, lors de la remise de la bouteille d’Or, le Président sera-t-il tenté de traverser la rue du Faubourg Saint-Honoré pour boire un canon, d’autant que le Maire de Paris pourrait, lui aussi, faire le détour ? Car en cette année 2012, c’est le patron de la Cave Beauvau qui, après 38 ans de bons et loyaux services derrière les comptoirs de Paname, remporte le précieux trophée.

Des années durant, Stéphane Derre a fait ses assemblages dans les caves de son précédent bistrot, le Gavroche. Il a même formé son ancien garçon. Plutôt bien puisque Nicolas Decatoire a décroché la Bouteille d’Or 2011. Vu l’exiguïté des sous-sols de sa Cave Beauvau, c’est chez les vignerons que Stéphane Derre réalise désormais ses assemblages. «Vous comprenez un bon chénas c’est une question de coteaux. Faut connaître» explique ce facétieux qui vous donne du Monseigneur à tout bout de champ.
Chapeau bas aux membres de Tradition du Vin d’avoir honoré cet oiseau rare. Il faut dire qu’ils n’étaient pas seuls sur le coup. Cette année, il semble que tout le monde ait tenté de s’arracher Stéphane Derre pour lui décerner les distinctions bistrotières. C’est peut-être ça qui est le plus triste… Ce côté Dernier des Mohicans, d’un patron de bistrot comme celui de la Cave Beauvau.

Car c’est le troquet de Paname rêvé des aficionados comme des viticulteurs. « Un repas sans vin est une journée sans Soleil » est-il écrit sur le menu de Stéphane Derre. Et ils ne sont plus beaucoup à parvenir à cette quadrature du cercle bistrotier : ambiance gouailleuse et chaleureuse, cuisine maison, vins irréprochables à prix gentils…
Et question assiette, le bon cochon est en pôle position, normal pour un fils de charcutier du Beaujolais. S’il continue à réaliser lui-même son jambon cuit ou son persillé, son gâteau de foie de volaille est léger et aérien comme un nuage des tropiques. Sinon dans l’assiette, à côté du classique bistrotier, on sent une attirance pour des saveurs des bords de Saône et Rhône comme la tourte Bressane (8,5 €), ou les quenelles de brochets. Pour un peu ça sentirait presque le bouchon lyonnais…