A la veille de Wine Paris : L’humeur maussade de six acteurs du vin.

Julien Révillon, Maison Piron – Beaujolais 

1/ Aujourd’hui on a tellement de trucs qui nous tombent sur la tête que j’ai envie de croire que nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise comme par exemple que Trump renonce à ses taxes.  

2 / Les entrepreneurs viticoles sont submergés par des normes de plus en plus drastiques. Pas plus tard que cette semaine, les viticulteurs du Beaujolais ont reçu une lettre de la direction du Travail nous expliquant qu’il fallait remplir 4 pages pour les logements de saisonniers en détaillant le nombre de robinets etc..Il y a 3 semaines,  c’était l’interdiction des derniers herbicides pour les coteaux. Et donc, il va falloir tout se taper à la main.  

Autre point désespérant il y a de moins en moins d’envie de consommer du vin.  Nos consommateurs sont en train de mourir et les jeunes sont sans éducation au vin  A 18 ans, ils ne connaissent pas alors soit c’est le « binge drinking » soit aucune envie de consommer.  Le durcissement de la Loi Evin sur les influenceurs ne va pas arranger les choses. 

3/ Dans le Beaujolais, j’ai un peu plus d’espoir que si j’étais dans un autre vignoble. Nos vins sont dans l’air du temps, ils ont de l’équilibre, du fruit et des rapports qualité/prix corrects… Et ont de quoi séduire de nouveaux consommateurs. Avec nos 0,2% dans la production mondiale, nous avons 12 vins dans le top 100 des meilleurs rapports qualité-prix du monde de James Suckling. 

/www.vsclub.com/domaine/maison-piron/

Philippe Tissot du Domaine Tissot d’Arbois – Jura 

1/ Commercialement parlant, l’année 2025 sera une année tendue. On craint les impayés. Même si à l’export on progresse. Pour les vendanges on verra car on ne sait rien à l’avance. C’est un stress que l’on n’avait pas avant et qui nous porte préjudice surtout pour ceux qui veulent céder leur exploitation à leurs enfants. On nous dit de nous adapter mais quand on reçoit de la grêle c’est difficile de s’adapter ! En Jura les météorologues nous disent que ce sont les gelées de printemps qui seront les plus préjudiciables. On verra. 

2/C’est le côté administratif. Du temps de mon père qui a 87 ans, on avait 4 ou 5 organismes d’administration (douanes, les « fraudes », la gendarmerie ) qui nous contrôlaient et c’était tout à fait normal. Maintenant on a une pléthore de sous-administrations qui peuvent débouler. Ils sont nettement plus offensifs et cela multiplie le stress. Pour les mêmes chiffres d’affaires et les mêmes surfaces on a plus d’administration devant lesquelles nous devons rendre des comptes et ce malgré l’outil informatique. Alors que cela devrait être plus simple c’est finalement plus compliqué. 

3/ Nous sommes contents car nous allons replanter cette année plus d’un hectare. Cela nous stimule et nous donne des espoirs pour l’avenir. 

https://www.domaine-jacques-tissot.fr

Jeff Carrel – Vigneron négociant

1/ Les sorties ne sont pas là, les stocks sont au plus haut et les gens n’ont pas de trésorerie. C’est une équation difficile à résoudre ! Je ne vois pas de perspectives d’accélération du marché. Dans n’importe quelle industrie ce genre de situation se termine mal. 

2/ On va perdre près de 50% de nos consommateurs sur 10 ans en France. Si on fait le calcul, il va falloir trouver des débouchés à l’export de façon exponentielle or la consommation mondiale baisse également … 

3/ Les gens boivent de moins en moins donc il y a moins d’alcooliques … C’est déjà ça ! On vend moins alors espérons que les gens boiront mieux en choisissant des vins bio ou de vignerons engagés RSE. On essaiera de mieux valoriser la filière et de répondre aux attentes sociétales et environnementales pour tous.  Mais attention aux No Low et No alcool ! Pour moi c’est écologiquement une hérésie. Un non sens. Produire un produit pour le faire fermenter, produire du CO2 puis enlever l’alcool…Pourquoi ne pas boire de l’eau ?