« La Nature au Coeur » de Gérard Bertrand

Avec La Nature au Coeur, Gérard Bertrand délivre une sorte d’auto-analyse passionnée. Celle d’un parcours hors du commun construit « sur des valeurs éthiques et dont le souffle est porteur d’espoir et d’enthousiasme ».

On ne présente plus Gérard Bertrand dans le monde du vin. La détermination de ce grand vigneron/négociant languedocien en faveur d’une viticulture en harmonie avec la nature, est connue de tous ceux qui s’intéressent au devenir d’un monde agricole en phase d’adaptation. Ou de disparition quasi programmée si ne surgit point la volonté de s’organiser pour « sauver les équilibres de la planète l’ harmonie nécessaire au renouvellement des ressources et au développement durable ». Ouvrage « militant » qui, pour autant, ne verse pas dans le pessimisme. En se fondant sur ses expériences de chef d’entreprise et de vigneron, Gérard Bertrand rappelle que l’homme, capable du pire mais aussi du meilleur, doit s’ingénier à créer de nouvelles conditions du vivre en semble. Harmonie sans laquelle rien ne sera possible. Comment ?- En introduisant, au sein des rapports humain, la loyauté comme esprit de groupe. Principe indiscutable qui ne saurait admettre le mensonge et la duperie. Un livre vivifiant qui pose les principes d’un humanisme moderne. 

La Nature au Coeur– Gérard Bertrand-Albin Michel-19,90 €

Extrait :

«Le temps est une invention humaine récente fondée sur le cycle des astres. Selon Steiner*, un être humain fonctionne par cycles: sept ans pour développer sa dentition, sept ans de plus pour la puberté, et sept ans plus tard, à l’âge de vingt et un ans, on le considère comme abouti et ayant atteint l’âge adulte. Une plante se renouvelle et se régénère sur un cycle d’un an. Un corps céleste tel qu’une planète se constitue et intègre un système solaire sur la base d’un calcul du temps si différent de notre temps terrestre qu’il dépasse la raison.
Les civilisations anciennes dites « du calendrier », par exemple celles des Mayas ou des Chaldéens, s’interrogeaient sur l’influence des planètes et leur rôle dans le cosmos. Notre période matérialiste tend à déconnecter les personnes de leur intériorité et de leur intimité car elles sont trop occupées par leur travail et leurs multiples distractions. Malgré l’urgence d’un réveil spirituel et la recherche de sens, nous semblons ne plus prêter attention à cette grande horloge cosmique.
Le téléphone mobile est devenu la boussole de la nouvelle génération. Les journées sont désormais trop courtes pour assouvir nos besoins. Après avoir dormi huit heures en moyenne, il reste seize heures utiles dont une bonne partie est passée en connexion avec des interfaces numériques pour la majorité de ceux ne travaillant pas manuellement. Au-delà d’un flux incessant d’informations créant plus d’agitation que d’intérêt, le temps disponible est partagé entre les réseaux sociaux, les messages et les e mails. Cela crée une tension palpable, un état de stress, de fragilité et de nervosité pouvant provoquer dépression et burn-out. Les algorithmes, qui calculent mieux que nous et réduisent la part d’incertitude, risquent de nous rendre obsolètes.
Cette boulimie de connexion sature les circuits nerveux et crée une dépendance réelle. La panoplie téléphone-tablette-ordinateur, sans oublier les montres connectées, les robots et les assistants personnels virtuels, ont transformé une minorité de la population en fantômes ambulants. Cela engendre un danger plus important encore : l’inexorable déconnexion de l’horloge interne, du rapport au temps et de la relation avec la nature. Se coucher en lisant les dernières stories et en y répondant, se précipiter au réveil sur les messages reçus pendant notre sommeil, sont devenus des réflexes aliénants, robotisant l’individu. Le piège s’est refermé, la technologie veut prendre le pouvoir et contrôler la vie des gens qui finissent par perdre la capacité de concentration et d’accès à leur force intérieure. Cette surconsommation est aussi addictive que les drogues. Et si les deux sont associées elles condamnent les utilisateurs à un enfer mental. »

*: NDLR : Grand inspirateur de la biodynamie, l’Autrichien Rudolf Steiner ( 861-1925) est le fondateur de l’anthroposophie qui place l’individu au cœur de la nature et du cosmos.
Il est loin de faire l’unanimité. Pour les uns c’est un illuminé pour d’autres un visionnaire ? Un dossier paru dans le Monde le 11 juillet 20121 permet de mieux cerner l’homme et ses théories.