Pose de la première pierre de la Maison du Peuple de Clichy, futur siège du Groupe Ducasse

Les pigeons clichois devront trouver un nouvel abri. Après 40 ans d’abandon et de nombreux projets jamais aboutis, la Maison du Peuple de Clichy s’apprête à connaître une deuxième vie. La pose de la première pierre de sa réhabilitation s’est faite en grande pompe le 25 janvier.

Ce bâtiment de 4000 m2 accueillera fin 2025 les Manufactures (chocolat, glace, biscuit, café) et les bureaux du Groupe d’Alain Ducasse. Il y aura également un restaurant « bouillon » ainsi qu’une « Table du chef » voulue par Alain Ducasse comme une « Villa Médicis de la cuisine mondiale ». En écho, Valérie Pécresse, présidente de la Région IIe-de-France a rappelé l’engagement de l’IdF vers la gastronomie avec des projets comme celui-ci ou encore celui de la future Cité de la Gastronomie à Rungis.  « La gastronomie francilienne rassemble les cuisines de toutes les régions du monde de haut-niveau.» a-t-elle expliqué. Lire son interview.

Pour Clichy, c’est le gros lot. Accueillir l’un des chefs les plus étoilés et le plus connu au monde ainsi que son groupe devrait apporter à la ville, outre une aura de prestige inespérée, un moteur de développement orienté vers la cuisine et l’alimentation.

Une Architecture moderniste à but social La Maison du Peuple de Clichy est un pur symbole de l’architecture moderniste des années 1930. Conçue par Marcel Lods, Eugène Beaudouin, Vladimir Bodiansky et Jean Prouvé, achevée en 1940, elle a été finalement classée aux Monuments Historiques en 1983. On a parlé à son sujet de  « bijou mécanique»  avec planchers amovibles, murs-rideaux, cloisons coulissantes, toiture mobile. Polyvalente donc, elle accueillait une salle des fêtes de 2 000 personnes, une salle de conférence et de cinéma pour 500 spectateurs, ainsi que des bureaux mis à la disposition de sociétés locales et syndicats. Avant d’être fermée dans sa partie supérieure pour cause de sécurité, son rez-de-chaussée accueillait jusqu’alors l’un des marchés de Clichy. 

Le chef multi-étoilé a eu un coup de cœur pour cet ouvrage et y a vu « un foyer pour ses activités ». Ce projet, réalisé par le promoteur Apsys, se fera en étroite coordination avec la DRAC qui en assure le contrôle scientifique et technique. L’Etat comme la Région y ont été de leur écot : 3,2 millions d’euros pour le premier, un million pour la seconde sur un coût total de 25 millions. Cela n’a pas manqué de faire tousser ses opposants déconfits qu’un tel bâtiment public si symbolique tombe dans l’escarcelle du secteur privé. Il a d’ailleurs fallu le déclasser au préalable afin que ce bien puisse appartenir à une personne privée.

Plus largement, au-delà du lieu, la référence faite par Valérie Pécresse d’une Ile-de-France « rendez-vous des cuisines mondiales » ne révèle-t-elle pas un certain décalage face aux attentes sociétales françaises à la fois sur la souveraineté alimentaire autant que sur la protection de l’environnement. Car c’est plutôt le contraire que l’on observe aujourd’hui avec une agriculture francilienne où les grands domaines céréaliers recouvrent 90% de la surface quand les potagers seulement 0,4%. L’histoire montre que les grands domaines n’ont jamais fait le bonheur des peuples. Ce fut vrai de la chute de l’Empire Romain avec ses latifundia. Ça l’est encore avec l’Argentine actuelle, capable de nourrir en théorie 630 millions d’humains mais pas son propre peuple… Reste alors à espérer que le chef Ducasse, après son cacao, montre le chemin de la richesse du terroir francilien d’antan et incite à planter des choux à la mode de chez nous !