L’épopée du Domaine de l’Hortus

Une morphologie dentaire. Un vignoble encastré entre une molaire – la falaise de l’Hortus – et un croc, le Pic Saint-Loup. Il a fallu près de 30 ans pour que « Le Domaine de l’Hortus » – 80 ha aujourd’hui – devienne un des vignobles symboliques de la renaissance du Languedoc viticole et davantage pour que l’appellation Pic Saint-Loup soit reconnue en AOP.

Cela reste infiniment moins long que le temps passé par les moines bourguignons à façonner leurs fameux « climats », ces parcelles de crus uniques qui fascinent tant Jean Orliac, le fondateur de ce somptueux vignoble. Les gènes tenaces d’un grand-père vigneron du sud-ouest, des connaissances pédologiques poussées pour identifier les terroirs prometteurs et une attention au savoir des anciens ont sans aucun doute dû compter dans cette réussite … Jean Orliac est parti de rien. Au fil des ans, les quatre enfants Orliac – ont rejoint le Domaine de l’Hortus pour en faire une aventure familiale peu banale dans le monde du vin. En 2022, le sort a frappé deux fois avec les décès successifs des deux femmes Orliac, Marie-Thérèse, la maman et Marie.

A l’origine de l’Hortus, un coup de chance va bouleverser le destin de Jean Orliac, alors ingénieur au CNRS à Montpellier, spécialisé en économie de l’environnement.

« En 1976, une amie m’annonce que son père vient d’hériter de 5 ha de vignes du côté du Pic Saint-Loup et me propose de m’en occuper. C’était le Far West à l’époque. Les terres pentues avaient été abandonnées après le gel de 1956. Mais j’adorais ce coin où je faisais de l’escalade quand j’étais étudiant à l’institut Agro à Montpellier.» 

Avec son épouse Marie-Thérèse – elle était orthophoniste- ils sont animés de la foi des charbonniers et viennent le week-end travailler les vignes,  dormant sous la tente avec les enfants.

«On portait les raisins à la coopérative de Valflaunès. Un jour le propriétaire m’a proposé de reprendre ces vignes. Elles étaient plantées en aramon et vieux carignan, ça ne donnait rien… Mais en regardant le terroir, je me disais qu’il y avait de quoi faire avec ces sols d’éboulis type bourguignons, des sols très profonds qui restituent l’été l’eau des pluies d’hiver. Les vieux du coin disaient aussi que les éboulis sous les falaises faisaient les meilleurs vins. On avait un trésor sous les pieds comme une petite bourgogne.» 

« On a racheté des parcelles abandonnées à la Safer. On a défriché et on a ramassé les pierres… Pas question de jouer « perso »,  c’était l’époque des luttes pour le Larzac, on jouait collectif. Avec d’autres jeunes vignerons comme ceux du Mas Bruguière, du château de Lancyre, du château Lascaux ou encore du château de Cazeneuve etc..- nous avons pensé à la relance de l’appellation. Nous avons planté les cépages prévus dans le classement VDQS Pic Saint-Loup des années 50 (syrah, mourvèdre, grenache, carignan et cinsault – NLR).  Comme les « coopératives » ne pouvaient pas imposer à leurs membres de replanter, elles ont prévu de nous rejoindre quand ça marcherait. Ce qu’elles ont fait à partir de 2000. En revanche, il a fallu se battre contre les politiques pour que l’appellation demeure dans les limites de son terroir originel car chacun essayait de tirer la couverture à soi. » 

«En 2024, il y a eu moins de raisins mais les conditions climatiques notamment grâce au vent du nord de septembre ont été favorables à la maturité des baies.»

Martin Orliac

Pour le vignoble – à l’époque d’une quinzaine 15 ha-  encore fallait-il identifier le potentiel de chaque parcelle afin de lui trouver le cépage adéquat.

«Nous avions repéré deux micro-climats. Un climat méditerranéen sous la falaise de l’Hortus, orienté plein sud où nous avons planté 8 ha de mourvèdre. Tandis qu’en face, sur les pentes du Pic Saint-Loup, orienté plein nord, plus frais avec une végétation semi-montagnarde évoquant le nord des côtes-du-rhône, j’ai planté de la syrah. C’est toujours la meilleure parcelle pour les vins de garde. Il a fallu attendre dix ans pour vérifier que nous avions fait les bons choix … »

« En 1990, on a construit une cave et lancé notre premier millésime. Coup de chance, on a été très bien noté par Parker qui se lançait également et cherchait des vins de qualité abordables. C’est bien tombé. Entre les grands vins  et les petits vins de tables du Languedoc, un créneau s’est ouvert. On a ainsi pu exporter les 40 000 bouteilles aux USA car sur le marché parisien personne n’était encore prêt à acheter du Pic Saint-Loup …  Tout au long de la décennie 90, on a vendu la production sans problèmes. » 

Avec le succès dans les années 2000, de jeunes indépendants sont venus s’installer.

«Ces nouveaux l’ont parfois joué un peu « bourguignonne » exploitant des parcelles de 3 ou 4 ha. Dommage car ces petits marchés de quelques milliers de bouteilles n’aident pas à faire connaître l’appellation à l’international. Pour ma part, j’aimerais qu’on devienne l’équivalent de Crozes-Hermitage en termes de notoriété et de prix. Une chose est sûre, la valorisation du vignoble Pic Saint-Loup témoigne déjà de sa réussite. Aujourd’hui l’hectare en Pic Saint-Loup se négocie autour de 100 000 € soit 5 fois le prix moyen d’un ha dans l’Entre-deux -mers.»

L’étape suivante ? Faire reconnaître la qualité du terroir du Pic Saint-Loup afin de devenir 1er cru.

« Je laisse cela à la génération suivante, mais en attendant, il faut garder les yeux sur les deux périls majeurs qui menacent le vignoble : les sangliers dont la population a explosé et qui imposent de clôturer si l’on veut récolter quelque chose. Et l’incendie. Avec la hausse des températures, nous ne sommes pas à l’abri d’un feu non maîtrisable. »

«Il faudrait faire revenir les moutons comme autrefois quand ils nettoyaient les pinèdes. Mais voilà, il faut compter un mouton par ha. Cela implique de valoriser l’élevage avec des produits de qualité pour créer des vocations »  

Il est vrai que les Orliac ont déjà une Bergerie à l’Hortus… Un Agneau du Pic Saint-Loup label rouge pourrait-il y trouver refuge ?

La gamme du Domaine de l’Hortus s’est construite au fil des mises en culture des différentes parcelles. Elle s’étage de la Grande Cuvée (rouge) provenant des grains de syrah et de mourvèdre plantés au pied des deux massifs en passant par la Bergerie de l’Hortus provenant de parcelles plantées au fond de la vallée. Avec le Dit de l’Hortus, c’est une sélection des meilleurs grains des parcelles les plus hautes du domaine qui se traduit par un enchantement à la dégustation notamment pour la profondeur et la densité de la cuvée.

https://www.domaine-hortus.fr