Gérard Bertrand à Wine Paris : « L’INAO doit être plus rapide dans le traitement des dossiers. »

Sacré « Master Winemaker 2023 » à Wine Paris, le « pape viticole languedocien », Gérard Bertrand, revient sur le réchauffement climatique qui frappe le vignoble français et la nécessaire « premiumisation » de la filière. Interview.

Face au réchauffement global, est-ce que l’irrigation va s’avérer indispensable ? 

Jusqu’à une température de 32/35° la vigne parvient à se réguler. Ce sont les années où il n’y aura pas d’eau à la fin du printemps qui seront problématiques. Dans les sols profonds cela passera encore un peu mais pas pour les sols superficiels de schistes ou de calcaire… Les apports d’eau ne doivent pas être réglementés. Ce n’est pas à l’INAO de dire s’il faut irriguer une vigne et dans quel délai. On crève de trop de régulation, il faut faire confiance aux vignerons, seuls capables de décider de façon raisonnée des adjonctions d’eau pour assurer la qualité du vin. 

Beaucoup de vignerons estiment que le rythme d’instruction des dossiers par l’INAO ne colle pas avec l’urgence climatique actuelle ?

Qui commande à l’INAO ? ce sont les producteurs. A eux de faire évoluer les choses. Certes, l’INAO doit être plus rapide dans le traitement des dossiers. Par exemple quand une demande de reconnaissance de cru est déposée, cela ne doit pas prendre dix ans. Il y a un problème de timing. De même, quand la vigne a soif, le vigneron ne doit pas  être menacé de voir sa vigne déclassée sous prétexte qu’il a apporté 20 ou 30 mn d’eau pour aider la plante à finir sa véraison. Car c’est à ce moment-là que tout se décide.

Les anciens cépages, par exemple dans le Languedoc, peuvent-ils être l’une des réponses au réchauffement ? 

On n’en sait rien. Encore faut-il qu’ils soient de bonne qualité et permettent des rendements corrects. Et pour que leurs racines aillent en profondeur, cela prend du temps. 

Quel développement pour la filière vin ? 

Une « premiumisation » s’avère indispensable car la France demeure le marché le moins cher du monde. Avec un prix moyen de la bouteille autour de 4€ en supermarché, difficile d’envisager un développement économique de la filière.  

Il y a aussi l’export ? 

Il faut être unis pour promouvoir les vignobles français. Et pour être efficace, il faut 200 millions par an. C’est ce que mettent les grands pays tandis que nous y allons de manière désordonnée avec des moyens limités. En  terme de communication, nous jouons en 3ème division.

Un grand vin est-il automatiquement un vin d’appellation ? 

C’est un vin d’expression qui provient d’un terroir et qui est sublimé avec un caractère défini. Il est souvent AOP mais il peut aussi être un IGP comme c’est le cas pour notre Cigalus qui coûte 30€.