Interview de Jean-Claude Mas : « Ces 25 dernières années, les rouges sucrés ont fait beaucoup de mal.»

Interview donnée le 25 juin 2025

Vous avez fêté les 25 ans des Domaines Paul Mas en insistant sur une réussite construite à l’international? Aujourd’hui, la tendance à la décroissance de la consommation du vin – rouge notamment- est mondiale. Comment l’appréhendez-vous ? 

La consommation de vin s’axe de plus en plus vers des gens qui boivent par plaisir. La consommation de rouge était très statutaire, pas forcément en accord avec les modes de vie et la gastronomie existants. Ces 25 dernières années, les rouges sucrés ont fait beaucoup de mal. Il faut revenir à des vins gourmands tels que ces vins corses réalisés à partir du cépage Sciaccarello, qui donnent quelque chose sur le fruit et crémeux.  

Ailleurs, en Chine par exemple, on buvait du rouge sans vraiment l’apprécier. Désormais, les Chinois sont beaucoup plus friands de vins blancs. Ces derniers décollent là-bas comme partout. Notamment en Italie tandis qu’en France il y a  un rééquilibrage à opérer entre rouge et blanc. 

Aujourd’hui, peu de gens consomment beaucoup trop de vin par rapport aux autres. On dit qu’ il faut boire moins mais mieux. Faux : il faut que ceux qui ne boivent pas boivent plus et ceux qui boivent trop, en consomment différemment ! 

L’offre mérite d’être mieux ajustée aux consommateurs qui cherchent une expérience à travers leurs styles de vie et à travers le vin. Mon style de vie se conjugue avec des vins gourmands. Mais attention au mimétisme des vins de star.  On touche la limite quand on se met à boire du rosé pour ressembler à Brad Pitt…  De mon côté, j’essaye de partager un style de vie de manière abordable, avec des choses plus humbles et accessibles. 

Et les jeunes ? 

Ils ne consomment pas de vin. J’étais pareil à 25 ans. On vient au vin quand on s’établit de manière sociale et qu’on a des revenus qui permettent d’avoir un style de vie où s’intègre le vin. 

Si l’on vous suit comme on vit de plus en plus vieux en Occident, rien n’est perdu pour le vin  ? 

La tradition où le vin faisait partie de la vie de tous jours, c’est terminé. Dans la « néoconsommation » le vin fait partie du superflu. Il faut que nous, producteurs, sachions produire des vins artisanaux, qui fassent plaisir au palais, au corps et à l’âme par leur authenticité.  Car le vin n’est ni une boisson destinée aux jeunes qu’on va traficoter, ni une boisson d’élite dont on va plus parler que consommer. Il doit être un produit naturel artisanal qui fait plaisir. 

Les AOP ont-elles encore un sens ? 

Oui quand elles sont établies sur des terroirs d’exception.  

Que pensez-vous de l’idée d’exporter des vins dans des conteneurs liquides sans bouteilles ? 

Les négociants qui ont pratiqué cela dans les années 70 sont tous morts. Maintenant, l’enjeu est d’exporter un vin dans les meilleures conditions possibles de qualité à un seuil économique acceptable pour le vendre à un consommateur qui va sera très critique et discriminant. Si le vin ne lui plait pas, il boira autre chose. Par rapport aux autres boissons, le vin demeure un produit de niche.  

Et donc ? 

On va être forcé de produire moins. Cela passera par une disponibilité plus réduite à l’avenir et un positionnement de prix légèrement plus élevé.  

Face à l’arrachage des vignes, envisagez-vous d’autres cultures pour vous diversifier ? 

La seule diversification qui tienne c’est de mettre en place une distribution directe à travers l’agrotourisme. Car les marges ne sont pas là avec les réseaux classiques de distribution. 

L’huile d’olive est pire que le vin. C’est une filière « terrible » et nous ne sommes pas du tout équipés pour en produire sérieusement. Ça ne pourra être qu’un complément à notre métier. Néanmoins, je planterai des oliviers partout où les vignes ne tiendront pas afin d’entretenir les paysages.